vendredi 5 octobre 2012

L'opium du citoyen israélien par Marc Femsohn....


L'opium du citoyen israélien

Nous sommes au milieu de cette
traditionnelle transhumance que constitue la semaine des fêtes de Souccot. 

Les enfants qui viennent à peine de commencer l'année, le 1er septembre, sont de nouveau en vacances et ne reprennent l'école que mercredi prochain, il faut donc les occuper, alors que les parents, pour la plupart, doivent continuer à travailler. Pas évident à gérer et, surtout, cela coûte cher.

Pourtant, les routes sont embouteillées, c'est vrai que le prix de l'essence a baissé cette semaine de 31 agourot, mais il est tout de même encore à 7,94 shekels le litre. 


Les parcs nationaux et les réserves naturelles sont bondés. Plus une seule chambre d'hôtel de libre, même pas un petit "Tsimer" (chambre d'hôte).
Plus de 500.000 Israéliens sont partis s'aérer à l'étranger. Et quand ils vont quelque part, que ce soit dans le pays ou à l'extérieur, ils ne regardent pas à la dépense, mais ils exigent le meilleur, le top.

Paradoxalement, ce désir de luxe auquel les Israéliens sont très sensibles, a, entre autre, pour origine le système égalitaire héritier du kibboutz. 

L'Israélien moyen, employé ou ouvrier, pose le problème de la manière suivante : pourquoi mon patron aurait-il le droit d'aller dans un palace et pas moi ? Pourquoi mes enfants n'auraient-ils pas ce qu'ont les enfants de mon patron ? 

Ont-ils moins de valeur, méritent-ils moins que les autres, y-a-t-il des différences lorsqu'ils se côtoient pendant trois ans à l'armée ? 

Bref, il se dit simplement : "pourquoi lui et pourquoi pas moi ?"

C'est donc cette aspiration à l'égalité qui est à l'origine de l'ambition légendaire de l'Israélien dans tous les domaines, de mauvaises langues évoqueront le peuple élu ou bien "un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur", suivez mon regard…

Il n'y a pas ici, comme en Europe, de cloisonnement des pensées en fonction du statut social, pas d'espaces réservés aux patrons et d'autres aux employés. Le vouvoiement n'existant pas en hébreu, cela facilite les relations. Il ne viendrait à l'esprit d'aucun employé israélien d'apostropher son patron autrement que par son prénom.

Mais cette légitime course à l'égalitarisme a aussi des effets pervers. 
Jusqu'au début des années 1970, la plupart des grandes entreprises appartenaient à l'Etat, le privé représentait une partie infime de l'économie israélienne.

 La Histadrout était alors un syndicat puissant, il n'y avait pas vraiment de luttes des classes, mais des revendications sociales qui généraient des grèves fréquentes et très dures contre l'Etat-employeur.

Si Israël est "une terre de contrastes", c'est aussi le pays des extrêmes. Nous sommes passés d'une économie pratiquement bolchévique à un système ultra-libéral qu'on peut qualifier de capitalisme sauvage.

La Histadrout n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle fut totalement absente lors des revendications sociales de l'été 2011.

Revendications sociales ? Qui s'en souvient ? Ce mouvement est retombé comme un soufflé raté, avec, il faut bien le constater, la complicité de l'expert Binyamin Netanyahou qui réussit à bâillonner toute velléité d'amélioration de la condition sociale des actifs de ce pays par la commission Trajtenberg (De Gaulle l'aurait appelée "Comité Théodule").

Pour Bibi, ce qui importe, c'est l'économie et tout va très bien, Madame la marquise. Pour le social, on verra plus tard.

Le pays est riche, d'ailleurs pas plus tard que cette semaine l'agence de notation Standard & Poors a maintenu la note A+ avec perspective stable, soulignant qu'elle l'aurait même rehaussée si ce n'était la situation sécuritaire. Les réserves de la Banque Centrale n'ont jamais été aussi élevées. Plutôt pas mal alors que le monde est en crise..

Pourtant, dès la semaine prochaine, les produits laitiers vont augmenter de manière considérable, alors que les denrées de première nécessité viennent de subir une hausse très importante, et que la TVA a été relevée d'un point au début du mois.

Mais c'est la faute à l'augmentation du lait dans le monde, à la hausse vertigineuse du prix des céréales, d'ailleurs le ministre des Finances Steinitz a un leitmotiv : les hausses sont mondiales, nous ne pouvons que subir…
Ici, on ne dénonce pas les grands patrons aux profits indécents, on les comprend, on les admire, et si on le pouvait, on ferait comme eux.

Les prix sont équivalents à ceux d'Europe, mais les salaires restent moyen-orientaux. 

L'Israélien ne bronche pas ou plus, préférant tout oublier en cherchant sur internet le dernier "deal" pour un week-end à l'étranger.
Bibi sait tout cela, il connaît bien notre opium : culture du loisir et de l'enfant-roi. Le reste, il s'en occupe.

La manœuvre est facile : il ne communique que sur l'Iran, disposant ainsi, pour la politique intérieure, d'un allié idéal : Mahmoud Ahmadinejad.

A la tribune de l'Onu, il laisse à l'Iran, mais aussi aux Occidentaux, jusqu'au printemps pour intervenir ou régler pacifiquement la crise.

De retour en Israël, comme par hasard, il annonce réfléchir à d'éventuelles élections en février prochain. 
Il pourra ainsi dramatiser la campagne et faire pratiquement l'impasse sur l'économique et le social. Il va nous expliquer qu'il faut un leadership fort avant le printemps pour affronter les défis sécuritaires.

Le tour sera alors joué. Réélu, voire plébiscité, comme le montrent les derniers sondages, Netanyahou pourra alors tranquillement sortir de sa poche les mesures impopulaires au nom de la "sauvegarde", voire du "raffermissement" des intérêts économiques du pays.

En agitant l'épouvantail sécuritaire, on voudrait nous voler le débat électoral sur les questions de société comme l'éducation, l'environnement, les transports publics, les conditions de travail, le coût de la vie, le droit au logement, la lutte contre la criminalité, la sécurité routière.

Notre rôle de citoyen ne consiste pas seulement à aller voter tous les 4 ans en se disant qu'on refourgue tous les problèmes à ceux qui veulent un mandat pendant qu'on va se promener dans le pays ou à l'étranger, car un jour, nous n'aurons même plus les moyens de cela non plus.
Le citoyen israélien doit apprendre à devenir responsable, actif au sein d'une démocratie véritablement participative.

Faire preuve de responsabilité, c'est aussi cela le sionisme.

http://www.guysen.com/

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