samedi 4 août 2012

Interdiction de la circoncision : nouvelle « Shoah », rien que ça ?



Le président d’honneur de la Communauté israélite de Vienne, Ariel Muzicant, a fait la une des journaux, après avoir déclaré le 26 juillet au Kleine Zeitung qu’une interdiction de la circoncision « serait à comparer avec une nouvelle tentative de Shoah, une extermination du peuple juif, mais cette fois-ci avec des moyens intellectuels ».


La comparaison est choquante, on peut y voir un manque de respect vis-à-vis des victimes de l’extermination systématique des juifs… et en lisant les commentaires sur les forums dédiés aux articles, on se rend rapidement compte qu’en approuvant l’interdiction de la circoncision pour motifs religieux, on se retrouve malheureusement en mauvais compagnie sur le plan politique.


« La massue d’Auschwitz »


De quoi s’agit-il exactement ? Fin juin, un tribunal de Cologne, en Allemagne, a estimé que la circoncision pour motifs religieux pouvait être assimilée à une blessure corporelle. De ce fait, de nombreux médecins ont cessé de pratiquer les circoncisions de convenance et fin juillet, c’est dans les hôpitaux publics du land de Vorarlberg, à l’extrémité occidentale de l’Autriche, que des décisions analogues ont été prises.


Le gouverneur du land, Markus Wallner (du parti conservateur ÖVP actuellement au pouvoir au niveau fédéral en Autriche avec les sociaux-démocrates) a rejoint la proposition de Dieter Egger (chef du parti d’extrême droite, le FPÖ, au niveau de ce land), déconseillant aux médecins toute circoncision qui ne serait pas médicalement motivée.


La plupart des représentants des communautés juives et musulmanes ont vivement protesté – même si la bêtise a rarement été aussi loin que dans les propos de Muzicant qui agite volontiers ce qu’on nomme en allemand « la massue d’Auschwitz », en référence à un discours de l’écrivain Martin Walser dans lequel ce dernier critiquait la propension de certains (juifs ou pas), à ressortir Auschwitz ou la Shoah dans tout débat concernant les juifs.


L’argument consistant à exiger le respect de traditions millénaires ne mérite pas de longs développements : il y a de nombreuses traditions comme la corrida ou l’excision (sûrement plus ancienne encore), qui sont heureusement en voie d’extinction.


La liberté de religion… de l’enfant


Certains invoquent la liberté de religion, fermement ancrée dans la Constitution autrichienne. Rappelons ici que le judaïsme est officiellement reconnu depuis 1890 (une nouvelle « loi israélite » – étonnante à bien des égards – est d’ailleurs entrée en vigueur en mai dernier). De même, la religion musulmane est reconnue depuis exactement 100 ans.


Seulement, que penser de la liberté de religion… de l’enfant ? Pourquoi les croyants auraient-ils le droit de marquer leur fils comme du bétail avec une mutilation, au huitième jour de sa vie, dans le cas des juifs, et après quelques années chez les musulmans ?


Aux Etats-Unis, la circoncision est pratiquée sur près de la moitié des nouveau-nés suite à des siècles de puritanisme (on estime que dans le monde, un homme sur trois est circoncis !). Les instigateurs de cette mode barbare pensaient au départ que cela allait aider à lutter contre la masturbation. Ensuite des médecins, souvent juifs, ont pris le relais dans ce pays pour la promotion de cet acte chirurgical. Aujourd’hui, on estime qu’environ 150 à 200 bébés meurent chaque année d’opérations ratées ou réalisées dans de mauvaises conditions d’hygiène.


Dans certaines communautés orthodoxes (toujours aux Etats-Unis), le « mohel » qui pratique la mutilation suce la plaie, ce qui parfois transmet le virus de l’herpès, qui peut être mortel chez un nourrisson dans le cas de l’herpès de type 1 (le New York Times rapporte un décès en mars dernier).


Aucune organisation de santé, que ce soit au niveau national ou international, ne recommande la circoncision. Il est possible que pour les populations vivant dans le désert il y a 3 000 ans, les conditions d’hygiène les aient conduites à éviter de manger du porc et à se circoncire, mais cela ne nous concerne plus en 2012 (le porc se met au frigo et même les hommes se lavent) ! Si dans certains pays d’Afrique subsaharienne, l’OMS a pu recommander la circoncision, il ne faut pas oublier que c’est dans le cadre de la lutte contre le sida, dans des pays où le pouvoir de l’Eglise catholique est tel que l’usage des préservatifs est problématique.


L’argument le plus intéressant de celles et ceux qui sont pour la circoncision est peut-être qu’une interdiction amènerait sans doute les croyants à pratiquer cette forme de mutilation en dehors de tout contrôle, dans des conditions d’hygiène et de sécurité inquiétantes. Seulement, dans ce cas, l’exemple de l’excision, interdite en France comme en Autriche, nous montre qu’il vaut mieux prendre ce risque plutôt que de collaborer à l’organisation de mutilations.


Les catholiques, en renfort


Paralysés par les forts communautarismes qui règnent en Autriche, les ministres de la Santé et de la Justice, respectivement M. Alois Stöger et Mme Beatrix Karl, se sont tout d’abord gardé de toute déclaration. La circoncision n’est pas un sujet à débattre, ce n’est « pas important » a simplement fait savoir M. Stöger par son porte-parole. Lundi 30 juillet, la ministre de la Justice s’est tout de même fendue d’un communiqué moins lapidaire, selon lequel la circoncision pour motifs religieux « ne pouvait pas être passible de poursuites ». En réaction, le gouverneur du land du Vorarlberg a dégagé la responsabilité sur les médecins, expliquant qu’il ne leur restait qu’à agir « en accord avec leur conscience ».


Les catholiques, ultra-puissants en Autriche, sont venus en renfort des juifs et des musulmans pour défendre la circoncision et c’est dans les locaux du centre de la communauté juive, malgré de sérieux différends (comme le soutien de certains à la flottille de Gaza), que d’une seule voix, ils ont appelé les pouvoirs publics à garantir explicitement ce droit.


La voie du progrès et de la raison...


La défense de l’intégrité physique des enfants semble oubliée dans les débats.


Pour mémoire, voici toutefois l’article 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 (dont l’Auriche) :


« Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. »


Espérons que le jugement de Cologne sera considéré dans les décennies à venir comme un tournant dans la lutte pour l’abolition de cette pratique barbare... mais il est à craindre que l’Autriche, pays des plus conservateurs dans ce domaine, n’apporte pas, au vu des débats actuels, d’éléments importants vers la voie du progrès et de la raison.


http://www.rue89.com/2012/08/02/interdiction-de-la-circoncision-nouvelle-shoah-rien-que-ca-234323


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