mardi 31 juillet 2012

Au Ritz, ballet triste avant la fermeture...


Devant l'hôtel Ritz, lundi à Paris. Des clients français et étrangers sont venus tout spécialement y passer la nuit «avant le tombé de rideau». Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/JC MARMARA/LE FIGARO

Le palace de la place Vendôme ferme ses portes mardi soir pour vingt-sept mois de travaux. Pour les clients et les 470 employés de l'hôtel, une page se tourne dans un silence pesant.


L'automatisme presque horloger des gestes, des sourires bien huilés, voudrait duper la clientèle, elle aussi à côté de son assiette. Au Ritz, alors que le palace vit ses dernières heures avant de fermer pour vingt-sept mois de travaux, le personnel se guinde dans une rigueur professionnelle toute singulière, futile armure contre l'émoi qui étreint son cœur.


Mardi soir, Jean (le prénom a été changé), vingt-trois ans de maison, rendra son tablier, comme 470 autres employés de l'hôtel. Licenciement économique. Tout sera refait, selon le vœu du propriétaire égyptien Mohammed al-Fayed qui entend bien, avec des travaux pharaoniques, dépasser le luxe des 5 étoiles actuelles pour obtenir le label «Palace» récemment institué. Et tout sera à reconquérir, à commencer par une clientèle «plus jeune, plus riche», croit savoir une hôtesse, mais aussi les deux étoiles du chef Michel Roth qui avait fait la renommée de l'Espadon, restaurant gastronomique du Ritz.


Lundi, au milieu de la journée, l'endroit un peu désenchanté avait des airs de ballet triste. Sous ses ors et son lustre appartenant déjà au passé, de rares clients avalaient le célèbre «club sandwich du Ritz» dans un silence pesant, sous le regard d'escouades de serveurs désœuvrés et de Japonais égarés. Dehors, place Vendôme, les camions-bennes des travaux d'été étaient plus nombreux que les limousines habituellement rangées en cordée.


Le restaurant étoilé affiche complet
«On est tous si tristes…, dit Jean. On ne quitte pas un établissement comme ça, sans souffrance. Mais je reviendrai, enfin c'est mon souhait! Car si notre contrat prévoit une priorité à l'embauche, il ne nous la garantit pas.» Comme ses collègues, avant la session de formations prévue par la direction en septembre-octobre, il va prendre des vacances pour «décanter tout ça» et chercher du travail. «J'ai eu un entretien d'embauche l'autre jour mais je l'ai raté, regrette-t-il. Aujourd'hui, même avec le Ritz sur un CV, rien n'est gagné.»


Pour la dernière nuit du Ritz, les réservations ont afflué. Des clients français et étrangers sont venus tout spécialement «avant le tombé de rideau», s'attriste un réceptionniste. «Ce sont des habitués qui tenaient à être là pour ce moment symbolique, fait savoir la direction du Ritz. L'hôtel est très chargé mais il reste encore quelques places.»


Le restaurant étoilé, lui, affiche complet. Collector, le menu de cette dernière soirée, à 240 euros, affiche foie gras, homard et caviar, bar et pigeon, soufflé et «pêche Melba Ritz 2012». Hormis ces festivités de palais, «aucun événement particulier n'a été organisé» pour l'occasion, précise le Ritz. Pas plus pour le personnel qui, ces derniers mois, a vécu quelques tensions aux côtés des syndicats.


Rude concurrence
En mai dernier, l'Union syndicale CGT Commerce et Services a saisi la justice pour demander l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) du Ritz visant à supprimer les 470 postes de l'hôtel. L'affaire doit être plaidée le 11 septembre devant la première chambre civile du tribunal de grande instance de Paris. Aujourd'hui, seule une trentaine de cadres reste sous contrat pour préparer la réouverture prévue à l'été 2014.


La nécessité de tels travaux s'est imposée avec l'arrivée d'une concurrence de plus en plus dure dans le secteur. En deux ans, à Paris, quatre hôtels de luxe flambant neufs, exploités par des chaînes asiatiques réputées pour la qualité de leur hôtellerie, sont sortis de terre. Et d'autres hôtels historiques ont également décidé d'engager des travaux de grande ampleur, comme le Crillon, place de la Concorde, qui, à l'automne, fermera lui aussi ses portes pour deux ans de travaux. Après avoir racheté trois bâtiments jouxtant le palace actuel, le Plaza Athénée, avenue Montaigne, travaille aussi sur un projet de réaménagement, tout comme le Lutetia, hôtel mythique de la rive gauche.


Aujourd'hui, la clientèle du Ritz est principalement américaine (27%). Les Russes (10%) se classent en deuxième position devant les Britanniques (8%), les Français (7%) et enfin le Moyen-Orient qui, selon l'hôtel, représente seulement 6% de sa clientèle.


Suite impériale préservée


C'est le groupe Bouygues qui, en avril dernier, a remporté l'appel d'offres du Ritz. Et c'est sa filiale Bouygues Bâtiment Ile-de-France qui se chargera des travaux pour un montant de 140 millions d'euros. Une «rénovation totale», prévoit le groupe de construction, avec «une revue complète de la décoration» et «la rénovation des zones historiques, tout en préservant l'esprit» de l'établissement. Seules sa façade et sa toiture classées à l'Inventaire des monuments historiques ainsi que la suite impériale, qui est la reproduction exacte de la chambre de Marie-Antoinette à Versailles, ne seront pas touchées. Aujourd'hui, cette suite affiche un prix allant de 11.000 à 13.900 euros la nuit. Au Ritz, le prix de la première chambre est de 850 euros.


 La dernière restauration d'envergure du Ritz remonte à plus de trente ans (1979). En plus de la rénovation des 103 chambres et 56 suites, un restaurant d'été sous verrière mobile sera créé. La salle de danse sera agrandie et «les technologies les plus en pointe» seront intégrées. Pour ce chantier, le constructeur Bouygues emploiera jusqu'à 600 personnes. Les travaux seront coordonnés par l'architecte Didier Beautemps, de l'atelier Cos, qui a notamment conçu l'hôtel Cheval Blanc à Courchevel, et par le décorateur Thierry W. Despont.


http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/07/30/01016-20120730ARTFIG00511-au-ritz-ballet-triste-avant-la-fermeture.php

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